Übersicht ENGLISH - FRANÇAIS - ITALIANO Articles en français Jeu de poker de l’UE : l’accord-cadre bilatéral Suisse-UEL’UE est en train de constituer un cercle d’États-vassaux autour d’elle. Officiellement elle veut assurer que les règles du marché intérieur en vigueur au sein de l’Union européenne soient appliquées de façon homogène par les États membres aussi bien que par les États disposant d’un accès privilégié au marché unique. Grâce à sa taille, l’UE peut effectivement dicter les conditions d’accès aux États de sa périphérie. Il s’agit d’une sorte d’impérialisme de droit.
La rédaction
Dans ses conclusions sur les relations de l'UE aux États de l'AELE du 8 décembre 2008, le Conseil de l'UE a « salué les discussions menées en faveur d'un accord-cadre au sein du Parlement suisse ». C’est dans ces conclusions qu’apparaît pour la première fois la demande d’établir un accord-cadre bilatéral entre l’UE et la Suisse. La manière dont cette demande est formulée mérite d’être signalée : « Un tel accord devrait également prévoir l'incorporation de l'acquis communautaire pour tous les accords, ainsi qu'un mécanisme visant à les actualiser régulièrement et en assurer une interprétation homogène ».
Dans ce texte il est également dit – dans le jargon typiquement bruxellois – que « Lorsqu'il évaluera l'équilibre des intérêts, au moment de conclure de nouveaux accords, le Conseil aura à l'esprit la nécessité de garantir des progrès parallèles dans tous les domaines de coopération, notamment ceux qui sont déjà mentionnés comme posant des difficultés aux citoyens et aux entreprises de l'UE. Le Conseil se réjouit à la perspective du renforcement de son partenariat avec la Suisse dans plusieurs domaines, mais rappelle toutefois que la participation au marché intérieur implique d'appliquer et d'interpréter de manière homogène et au fur et à mesure les éléments de l'acquis communautaire en constante évolution. Ce préalable indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur – comme c'est le cas dans l'EEE – doit se refléter dans tous les accords en cours de négociation (sécurité des douanes, libéralisation du marché de l'électricité, libre-échange de produits agricoles, santé publique et protection des consommateurs) ». Les termes de ce texte font clairement entendre que l’UE exige l’imposition du droit communautaire sans que le partenaire contractuel ait un pouvoir de codécision.
L’exigence de Bruxelles n’a guère trouvé d’écho en Suisse. Il a fallu que ces demandes soient répétées régulièrement et renforcées - par exemple l’exigence de suppression de la « règle des huit jours » qui avait été mise en place pour protéger le niveau des salaires en Suisse – avant qu’une discussion approfondie sur ce sujet se fasse jour en Suisse. Dans le champ d’application de l’accord sur les obstacles techniques au commerce, par exemple, l’UE a adopté de nouvelles normes pour de nombreux produits, tels ceux concernant la technique médicinale, les instruments de mesure, les ascenseurs et les équipements de télécommunication. Il s’agit là de branches qui sont importantes pour l’économie exportatrice suisse. Les entreprises souhaitent que les nouvelles normes soient rapidement reprises dans l’accord sur les obstacles techniques au commerce, car, dans le cas contraire, l’UE pourrait imposer une procédure supplémentaire de certification d’un produit après celle qui a déjà eu lieu en Suisse. Une augmentation des coûts en résulterait en effet, accompagnée de retards inévitables. L’UE utilise cette faiblesse pour augmenter sa pression en faveur de l’accord cadre. Dans le rapport de politique extérieure de la Confédération pour 2017, il est ainsi mentionné que l’UE avait retardé des adaptations importantes de certains accords. Le Conseil fédéral a exprimé son désaccord avec cette attitude de l’UE. Un autre exemple de cette attitude de l’UE vis-à-vis « d’États amis » pour parvenir à ses fins est la reconnaissance limitée à un an de la réglementation boursière suisse - une mesure qui n’a aucun fondement juridique et qui est motivée uniquement par des considérations politiques.
Après d’âpres négociations il a été convenu de limiter l’accord cadre à à cinq accords sur l'accès aux marchés : la libre circulation des personnes, les transports terrestres et aériens, les obstacles techniques au commerce, la politique agricole et l’accord en matière d’électricité. En tout il n’existe pas moins de 120 accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE. La reprise « dynamique » du nouveau droit de l’UE concernant ces cinq accords obligerait la Suisse d’adapter sa législation dans un délai de trois ans.
Dans le cas d’un désaccord insurmontable concernant l’interprétation des accord bilatéraux, un tribunal arbitral paritaire - et non la Cour européenne de justice - se saisirait du différend. Cette procédure est cependant soumise à des réserves : Si le différend concerne le droit communautaire le tribunal arbitral doit tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE ou se référer à celle-ci lorsque aucune jurisprudence existe. S’il s’agit d’un problème d’ordre bilatéral sans équivalent dans le droit communautaire, le tribunal arbitral serait seul compétent. Les arbitres pourraient agir de façon plus autonome que ce que Bruxelles voulait admettre au départ. L’UE et la Suisse pourraient exposer leurs arguments pour ou contre la saisie de la Cour de justice de l’UE.
La Cour de justice de l’UE va donner son avis sur l’accord-cadre et va sans doute veiller à ce que ses compétences ne soient pas limitées. La difficulté consiste à définir de façon univoque ce qui relève du droit communautaire et ce qui n’en relève pas. L’accord-cadre va aussi régler ce qui se passe si l’une des parties contractantes ne suit pas la décision de l’instance judiciaire. Dans ce cas l’autre partie pourrait prendre des contre-mesures et il incombe à nouveau au tribunal arbitral de juger si les contre-mesures sont disproportionnées ou non.
l’UE insiste sur une réduction des mesures d’accompagnement visant à protéger les travailleurs suisses du dumping salarial. Le délai d'annonce préalable obligatoire pour les services transfrontaliers en provenance de l'UE pourrait être maintenu, mais serait réduit de huit jours à quatre jours. L’obligation pour les entreprises étrangères de déposer une caution resterait en vigueur, mais seulement pour les entreprises qui n’ont pas respecté les règles suisses. Les contrôles en vue d’assurer le respect de ces règles ne peuvent plus être effectués systématiquement partout, mais seulement en fonction des risques réels. La directive relative au droit des citoyens de l'Union Européenne, qui prévoit un accès plus rapide aux prestations sociales et des conditions plus restrictives pour l’expulsion que ce qui est en vigueur aujourd’hui, n’a pas été reprise dans l’accord-cadre, mais n’en a pas expressément exclue non plus. Ceci pourrait engendrer des conflits à l’avenir. La clause de résiliation de l’accord cadre est une « guillotine », car la résiliation d’un accord implique automatiquement la résiliation des quatre autres.
Le résultat des négociations montre avant tout que l’UE n’est pas prête à des concessions au-delà d’ajustements cosmétiques – pour le reste elle est intransigeante. Ceci s’explique par le déséquilibre des rapports de force : en 2017 53% des exportations de la Suisse étaient vers l’UE alors que seuls 8% des exportations prenaient le chemin inverse. Ainsi il semble « naturel » que l’UE demande à la Suisse d’aligner son droit automatiquement sur le sien, alors qu’il ne viendrait à l’idée à personne en Suisse de demander à l’UE de reprendre automatiquement le droit suisse. Il est donc clair que les rapports entre la Suisse et l’UE sont déséquilibrés. Mais ici aussi – comme dans le cas de l’accord sur le Brexit - il pourrait s’avérer en fin de compte que l’UE soit victime de son pouvoir à négocier en sa propre faveur, en provoquant des résistances en Suisse, de sorte qu’elle contribue elle-même à faire capoter l’accord-cadre.
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