de Alex C. Bauert
La politique agricole de l'UE actuelle a pris naissance avec le soutien du secteur agricole après la deuxième
guerre mondiale. A l'époque on voulait atteindre le plus vite possible l'autosuffisance dans le domaine des
denrées alimentaires. Le but était l'approvisionnement de la population en produits de qualité à bas prix. Les
traités de Rome de 1957, la fondation de la CEE en 1958 et les accords sur la politique agricole commune en
1962 s'accordaient sur ce but. La politique des denrées bon marché a causé de graves dégâts écologiques par
l'introduction de méthodes de production industrielles (spécialisation, intensification et rationalisation) .
L'utilisation massive de la chimie (engrais, pesticides, fongicides) a détérioré la nappe phréatique. Le manque de
diversité des cultures, les monocultures et l'utilisation de tracteurs et de machines lourds ont mené à la
densification des terres et à l'érosion massive. La fabrication animale très spécialisée et produisant intensivement
avec un taux élevé du rapport entre le nombre des animaux et la surface agricole a mené à l'utilisation accrue de
médicaments à cause l'augmentation des maladies. Il faut finalement relever que l'agriculture industrielle a
provoqué des changements importants du paysage - résultat d'une patique agricole séculaire.
Depuis 1973 la production agricole dans l'UE a augmenté de 2% par année à cause du progrès technique et du
progrès de l'élevage, tandis que la consommation de produits agricoles n'a augmenté que de 0,5% par année de
1973 à 1988 (Commission de l'UE, 1991). Dans presque tous les domaines on a produit des excédents massifs.
L'essor de la politique agricole de l'UE continue cependant de se fonder sur l'article 39 des traités de Rome, qui
statue qu'il faut augmenter la productivité de l'agriculture par le progrès technique, la rationalisation de la
production agricole et l'utilisation optimale des facteurs de production.
Aux Etats-Unis on a commencé relativement tôt à supprimer les subventions à l'exportation. Celles-ci servaient
à exporter la surproduction. On se rappelle peut-être les exportations légendaires vers l'URSS. On exportait
cependant aussi dans le tiers monde. Dans les années 80, l'UE a commencé à concurrencer les Etats-Unis sur
ces marchés, ce qui fut l'arrière-fond du débat agricole de l'Uruguay Round dans le cadre du GATT. Les
Etats-Unis voulaient forcer l'UE à abandonner complètement les subventions à l'exportation pour avoir de
nouveau accès à ces marchés.
Les coûts énormes de la politique agricole communautaire ont mené en juin 1992 à des réformes importantes,
qu'on appelle d'après le commissaire de l'agriculture de l'époque "plan Mac-Sharry". Comme les dépenses
agricoles s'élevaient en 1991 à 60% du budget de l'UE (54 milliards de francs suisses), des coupes
s'imposaient. En plus, l'UE craignait un échec des négociations de l'Uruguay Round. La mesure la plus
importante fut la baisse de 33% du prix des céréales, de 15% du prix de la viande de boeuf et de 5% du prix du
lait, cette dernière baisse accompagnée d'une diminution des quotas de 1% par année. Les achats d'intervention
baisseront en 1997 de 900 000 t à 350 000 t, ce qui amènera une baisse des prix supplémentaire. Sous certaines
conditions (abandon de terres, baisse du nombre de vaches, etc), on donnera des paiements complémentaires
pour ces baisses massives de prix. On ne peut cependant considérer ces mesures comme des pas dans la
direction d'une agriculture plus écologique comme le font souvent les partisans de cette politique. Sur les terres
abandonnées on ne peut plus cultiver pour l'alimentation humaine. On peut cependant faire pousser des matières
premières selon des méthodes très intensives. Pour la production de telles matières premières il n'y aura plus de
limite pour l'utilisation de substances chimiques, puisque ces produits agricoles ne seront pas utilisés dans
l'alimentation mais dans l'industrie.
Comparaison de la production biologique entre l'UE et la Suisse
Si l'on compare la directive de l'UE sur l'agriculture biologique avec les exigences du "bouton" en Suisse, on
peut constater que ces dernières sont beaucoup plus sévères. Cela est même valable pour les directives
biologiques de la Migros qui ont été reconnues par la Confédération. Une différence importante réside dans le
fait que l'UE n'exige pas qu'une ferme doive produire biologiquement sur toutes ses terres pour pouvoir vendre
des produits avec le label "biologique". Sans cette exigence, le contrôle devient cependant pratiquement
impossible.
Il y a des gens comme le conseiller national socialiste et agriculteur biologique Andrea Hämmerle qui
préconisent une conversion biologique de toute l'agriculture suisse. L'adhésion de la Suisse à l'UE ouvriraient
les marchés nécessaires pour l'écoulement de ces produits de haute qualité. Il estime que le marché biologique
communautaire s'élève à 10% - 30% du marché agricole de l'UE. L'Association autrichienne des Paysans de
montagne s'oppose à une telle vision. En Autriche il y a aujourd'hui 23 000 paysans biologiques (15% des
paysans), plus que l'ensemble des paysans biologiques dans le reste de l'UE (17 000). Malgré ce fait,
l'Autriche doit lutter contre une baisse massive des prix depuis l'adhésion du pays à l'UE. Le prix du lait
biologique est plus bas que le prix du lait normal avant l'adhésion.
A part le fromage, la Suisse n'a pas de produits agricoles propres à l'exportation. Il y a naturellement des fermes
qui trouveront des débouchés, surtout si le producteur a de bons contacts comme par exemple le politicien
Hämmerle. Selon le président de la direction de Tonilait, les chances pour l'exportation de produits laitiers sont
très faibles. Certaines spécialités comme la tête de moine s'écoulent facilement. Les pays étrangers sont
cependant intéressés à acheter des licences, le "know-how" pour fabriquer eux-mêmes ces produits. En Suisse
les conditions topographiques et salariales sont beaucoup plus mauvaises que dans la majorité des autres pays de
l'UE. C'est pourquoi les paysans suisse ne seront pas compétitifs - ni dans le secteur traditionnel ni dans le
secteur biologique.
Pour les paysans suisses, l'adhésion à l'UE apporterait une chute des prix encore plus importante que pour les
paysans autrichiens. Même si dans quelques années les prix agricoles en Suisse auront baissé presque jusqu'au
niveau communautaire, il ne faut pas se faire d'illusions. En cas d'adhésion, la Suisse va être inondée de
produits à bas prix. Celui qui d'un point de vue agricole opte pour d'adhésion de la Suisse à l'UE devrait
pouvoir répondre aux questions suivantes: Qui peut assurer que les paiements directs de l'UE et de la Suisse
seront garantis à long terme? La Suisse est-elle prête à attribuer ces moyens en se liant juridiquement dans ce
sens même si l'UE ne veut plus verser de tels paiements? Quels seront les prix des produits biologiques après
l'adhésion de la Suisse à l'UE? Est il bon d'ouvir les frontières à des denrées très bon marché, de favoriser par
là le traffic routier? Est-il sensé de transporter des produits biologiques à travers toute l'Europe? Qui achètera les
produits agricoles suisses? L'agriculture suisse a-t-elle un avenir?
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