Les gens qui sont favorables à l'adhésion à l'UE ont l'habitude de comparer l'intégration du type UE à la formation des Etats-Nations au siècle dernier. Cette comparaison n'est cependant guère justifiée. A l'époque, on a remplacé des institutions politiques féodales ou semi-féodales par des institutions démocratiques. Le processus d'intégration de l'UE va cependant dans un autre sens. Il fait perdre aux institutions démocratiques des différents pays leurs compétences de décision sans qu'on puisse légitimer démocratiquement les compétences de décision au niveau de l'UE.
de Paul Ruppen
Au niveau des Etats-membres, on respecte selon les principes démocratiques la séparation des pouvoirs. Le
parlement légifère et le gouvernement exécute. Au niveau de l'UE, ce sont les représentants des
gouvernements (les ministres) qui légifèrent. Les décisions des différents conseils des ministres sont
préparées par la Commission qui détient officiellement le monopole du droit de faire des projets de lois.
Différentes commissions, composées des représentants des administrations nationales, l'y aident. Le
parlement de l'UE, élu par les citoyennes et les citoyens des pays-membres, n'a pas le pouvoir législatif. En
général, il peut uniquement prendre position. Selon les domaines, les procédures et le poids de ces prises de
position du parlement varient largement. On distingue vingt types de procédures, ce qui ne facilite pas la
compréhension de la distribution des compétences au sein de l'UE.
Les domaines que la législation de l'UE règle sont soutraits à la compétence du législateur de l'Etat-membre
(le parlement ou le peuple), comme le droit national est subordonné au droit international. L'UE a accaparé
jusqu'ici des compétences importantes. Puisqu'il est difficile de mesurer par des pourcentages la perte de
compétences des législateurs nationaux, nous donnons quelques exemples. L'UE restreint largement la
politique fiscale des Etats-Membres, car elle prescrit un taux minimal de TVA de 15%. Les critères de
convergence du traité de Maastricht rendent impossible une politique conjoncturelle indépendante au service
d'une lutte contre le chômage. Le principe de la libre circulation des marchandises restreint largement une
politique autonome de l'environnement et de la santé.
Une démocratisation de l'UE, par exemple par le renforcement du rôle du parlement de l'UE, aurait comme
conséquence une centralisation aux dépens des petits pays. Tandis que les petits pays sont par rapport à
leurs populations surreprésentés au sein du conseil des ministres (mais sous-représenté par rapport à la
conception de l'Etat souverain), cela n'est plus le cas pour le parlement de l'UE. Chaque transfert du
pouvoir du conseil des ministres vers le parlement implique par conséquent un affaiblissement des petits
pays. Démocratiser l'UE par le renforcement de l'influence des parlements des Etats-membres n'est guère
possible, car cela rendrait les processus de décision de l'UE encore plus difficiles. En plus il faut relever
qu'on ne trouve que peu d'intérêts organisés au sein de l'Union qui voudraient une démocratisation réelle.
Les politiciens et les multinationales tirent grand profit de la construction actuelle. Les politiciens peuvent
prendre les décisions impopulaires au niveau "communautaire". Ils pensent pouvoir éviter de la sorte la
responsablilité politique devant l'électeur en montrant du doigt "Bruxelles". Les processus de décision
opaques de Bruxelles facilitent de tels tours de passe-passe antidémocratiques. Les multinationales et leurs
associations sont assez fortes financièrement pour s'imposer dans la jungle de compétences bruxelloise.
Celle-ci constitue par conséquent une protection pour la satisfaction de leurs propres intérêts. Il est dès lors
à prévoir que la conférence de "Maastricht II" de l'année prochaine ne mènera qu'à des remaniements
cosmétiques par rapport au problème démocratique de l'UE.
Les relations internationales deviennent de plus en plus importantes - cela constitue du point de vue de la
paix un développement tout à fait positif. Jusqu'à maintenant, le niveau international est cependant le lieu où
seuls des diplomates, des représentants gouvernementaux et des lobbyistes sont influents. Ils peuvent
trouver des compromis qui leur sont favorables. Cest pourquoi il est urgent de démocratiser les relations
internationales: la transparence et l'influence des populations sur la politique de leurs gouvernements
doivent être institutionalisées. pr.
encadré: Irrationalisme politique
"Enfin, les Romands ont compris depuis pas mal de temps que l'Europe ne peut tirer sa force que d'un acte
de foi" (Jean-Pierre Hocké) Hebdo, 13.7.1995.
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